Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/168

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en cas de trahison envers sa commune ou sa tribu, et de sacrilège contre les dieux de la commune ; c’était le seul moyen de les apaiser.

Tout ceci, comme on le voit, est très loin de la « morale dissolue » que l’on prêtait aux barbares. Au contraire, nous ne pouvons qu’admirer les profonds principes moraux élaborés dans les anciennes communes villageoises, tels qu’ils ont été exprimés dans les triades welches, dans les légendes du roi Arthur, dans les commentaires de Brehon[1], dans les vieilles légendes allemandes, etc., ou bien encore exprimés dans les dictons des barbares modernes. Dans son introduction à The Story of Burnt Njal, George Dasent résume ainsi, avec beaucoup de justesse, les qualités d’un Northman, telles qu’elles se montrent dans les sagas :


Faire ouvertement ce que l’on doit accomplir, comme un homme qui ne craint ni ennemis, ni démons, ni la destinée ; ...... être libre et hardi en toutes ses actions ; être doux et généreux envers ses amis et ceux de son clan ; être sévère et menaçant envers ses ennemis [ceux qui sont sous la loi du talion] mais, même envers eux, accomplir tous les devoirs obligatoires... Ne pas rompre un armistice, ne pas médire, ne pas calomnier. Ne rien dire contre un homme que l’on n’oserait lui répéter en face. Ne jamais repousser un homme qui cherche un abri ou de la nourriture, fût-il même un ennemi[2].


Les mêmes principes ou de meilleurs encore se révèlent dans la poésie épique et dans les triades welches. Agir « selon un esprit de douceur et des principes d’équité », que ce soit envers des ennemis ou des

  1. Voir l’excellent chapitre : « Le droit de la vieille Irlande » (et aussi « Le Haut-Nord ») dans les Études de droit international et de droit politique, par le professeur E. Nys, Bruxelles, 1896.
  2. Introduction, p. XXXV.