Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/179

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Je ne puis que citer rapidement deux autres traits des plus intéressants de la vie des Kabyles : l’anaya, ou protection assurée des puits, des canaux, des mosquées, des places de marchés, de certaines routes, etc., en cas de guerre, et les çofs. Dans l’anaya nous avons une série d’institutions tendant à la fois à diminuer les maux de la guerre et à prévenir les conflits. Ainsi la place du marché est anaya, surtout si elle est située sur une frontière et met en rapport des Kabyles et des étrangers ; personne n’ose troubler la paix du marché ; si un trouble s’élève, il est apaisé immédiatement par les étrangers qui se sont réunis dans la ville du marché. La route que les femmes parcourent pour aller du village à la fontaine est aussi anaya en cas de guerre, et ainsi de suite. Quand au çof c’est une forme très répandue de l’association, ayant certains caractères communs avec les Bürgschaften ou Gegilden du moyen âge. Ce sont des sociétés pour la protection mutuelle et pour toute sorte de besoins variés — intellectuels, politiques et moraux — qui ne peuvent être satisfaits par l’organisation territoriale du village, du clan et de la confédération. Le çof ne connaît pas de limites de territoire ; il recrute ses membres dans les différents villages, même parmi des étrangers ; et il les protège dans toutes les éventualités possibles de la vie. C’est un effort pour ajouter au groupement territorial un groupement extraterritorial dans l’intention de répondre aux affinités mutuelles de toutes sortes qui se produisent sans égard aux frontières. La libre association internationale des goûts et des idées individuelles que nous considé-

    pect envers les étrangers est la règle chez les Mongols. Le Mongol qui a refusé son toit à un étranger doit payer entièrement le « prix du sang » si l’étranger a souffert de ce chef. Bastian, Der Mensch in der Geschichte, III, 231.