Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/231

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sept années, et après avoir prouvé son savoir et ses capacités par une œuvre d’art, l’apprenti devenait lui-même un maître. Ce fut seulement beaucoup plus tard, au XVIe siècle, après que le pouvoir royal eut détruit la commune et l’organisation des métiers, qu’il fut possible de devenir un maître en vertu d’un simple héritage ou par richesse. Mais ce fut aussi une époque de décadence générale dans les industries et les arts du moyen âge.

Il n’y avait guère place pour le travail loué dans les premières périodes florissantes des cités médiévales, moins encore pour des salariés isolés. L’ouvrage des tisseurs, des archers, des forgerons, des boulangers, etc., était fait pour la corporation et pour la cité ; et quand on louait des ouvriers pour des travaux de construction, ils travaillaient en tant que corporations temporaires (comme ils le font encore dans les artels russes) dont l’ouvrage était payé en bloc. Le travail pour un maître ne commença à s’implanter que bien plus tard ; mais, même en ce cas, l’ouvrier était mieux payé qu’il ne l’est aujourd’hui dans les métiers le mieux rétribués, et beaucoup plus qu’il n’était généralement payé en Europe pendant toute la première moitié du XIXe siècle. Thorold Rogers a familiarisé les lecteurs anglais avec cette idée ; mais la même chose est aussi vraie pour le reste de l’Europe, comme le montrent les recherches de Falke et de Schönberg, ainsi que beaucoup d’autres indices. Au XVe siècle, un maçon, un charpentier, ou un forgeron, était payé à Amiens 4 sols par jour, ce qui correspondait à quarante-huit livres de pain, ou à la huitième partie d’un petit bœuf. En Saxe le salaire du Geselle, dans les travaux de construction, était tel, pour me servir des mots de Falke, qu’il pouvait acheter avec les gages de six jours trois moutons et une paire de