Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/248

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cathédrales, d’un style plein de grandeur et décorées avec abondance, élevaient vers le ciel leurs clochers d’une pureté de forme et d’une hardiesse d’imagination que nous nous efforçons vainement d’atteindre aujourd’hui. Les arts et les métiers avaient atteint un degré de perfection que dans mainte direction nous ne pouvons nous vanter d’avoir dépassé, si nous estimons l’habileté inventive de l’ouvrier et le fini de son ouvrage plus que la rapidité de fabrication. Les navires des cités libres sillonnaient dans toutes les directions les mers intérieures de l’Europe ; un effort de plus, et ils allaient traverser les océans. Sur de grands espaces de territoire le bien-être avait remplacé la misère ; le savoir s’était développé, répandu. Les méthodes scientifiques s’élaboraient, les bases de la physique avaient été posées, et les voies avaient été préparées pour toutes les inventions mécaniques dont notre siècle est si fier. Tels furent les changements magiques accomplis en Europe en moins de quatre cents ans. Et si on veut se rendre compte des pertes dont l’Europe souffrit par la destruction des cités libres, il faut comparer le XVIIe siècle avec le XIVe ou le XIIIe. La prospérité qui caractérisait autrefois l’Écosse, l’Allemagne, les plaines d’Italie a disparu ; les routes sont tombées dans l’abandon ; les cités sont dépeuplées, le travail est asservi, l’art est en décadence, le commerce même décline[1].

Si les cités du moyen âge ne nous avaient légué aucun monument écrit pour témoigner de leur splen-

  1. Cosmo Innes, Early Scottish History and Scotland in Middle Ages, cités par le Rev. Denton, loc. cit., pp. 68, 69. Lamprecht, Deutsches wirthschaftliches Leben im Mittelalter, analysé par Schmoller dans son Jahrbuch, vol. XII ; Sismondi, Tableau de l’agriculture toscane, p. 226 et suiv. Les territoires appartenant à Florence se reconnaissaient au premier coup d’œil à leur prospérité.