Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/298

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l’initiative parmi leurs voisins, la commune villageoise devient le moyen même d’introduire des perfectionnements variés dans l’agriculture et dans l’ensemble de la vie du village. Ici, comme ailleurs, l’entr’aide est un meilleur guide vers le progrès que la guerre de chacun contre tous, comme on le verra par les faits suivants.

Sous le gouvernement de Nicolas Ier beaucoup de fonctionnaires de la couronne et de propriétaires de serfs forçaient les paysans à adopter la culture en commun d’une partie des terres du village, afin de remplir chaque année les greniers de provisions communaux, après que des prêts de grains auraient été accordés aux membres nécessiteux de la commune. Ces cultures, unies dans l’esprit des paysans aux pires souvenirs du servage, furent abandonnées dès que le servage fut aboli ; mais aujourd’hui les paysans commencent à les reprendre pour leur propre compte. Dans un district (Ostrogojsk, gouvernement de Koursk) l’initiative d’une seule personne fut suffisante pour faire revivre la culture communale dans les quatre cinquièmes de tous les villages. On observe le même phénomène dans plusieurs autres localités. A un certain jour convenu, les membres de la commune se rendent au travail : le riche avec sa charrue ou un chariot, le pauvre n’apportant que le travail de ses bras, et aucune évaluation du travail de chacun n’est faite. La récolte sert ensuite à faire des prêts aux plus pauvres membres de la commune, sans imposer aucune condition de remboursement ; ou bien, le produit de la récolte sert à soutenir les orphelins et les veuves, ou bien on l’emploie pour l’église du village, ou pour l’école, ou encore pour rembourser une dette communale[1].

  1. Il existe de semblables cultures communales dans 159 villages