Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/335

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des cas beaucoup plus ordinaires que la mort frappant une famille, et l’aide dans le travail est un fait des plus communs dans leurs vies.

Les mêmes habitudes d’entr’aide et de soutien se rencontrent d’ailleurs aussi parmi les classes riches. Certes, lorsqu’on pense à la dureté que montrent souvent les patrons riches envers leurs ouvriers, on est porté à voir la nature humaine d’une façon pessimiste. On se rappelle l’indignation qui s’éleva pendant la grande grève du Yorkshire en 1894, lorsque de vieux mineurs ayant pris de la houille d’un puits abandonné furent poursuivis par les propriétaires des mines. Et même si nous laissons de côté les horreurs des périodes de lutte et de guerre sociale, telles que les exterminations de milliers d’ouvriers, faits prisonniers après la chute de la commune de Paris — qui pourrait lire, par exemple, les révélations de l’enquête sur le travail qui a été faite en Angleterre vers 1840, ou ce qu’écrivit Lord Shaftesbury sur « l’effrayant gaspillage de vies humaines dans les manufactures où l’on mettait les enfants pris dans les Workhouses ou simplement achetés dans tout le pays (l’Angleterre) pour être vendus comme esclaves des manufactures[1] », — qui pourrait lire cela sans être vivement impressionné par la bassesse dont l’homme est capable lorsque sa cupidité est en jeu ? Mais il faut dire aussi que la responsabilité d’un tel traitement ne doit pas être rejetée entièrement sur la criminalité de la nature humaine. Les enseignements des hommes de science, et même d’une grande partie du clergé, n’étaient-ils pas, jusqu’à une époque tout à fait récente, des enseignements de méfiance, de mépris et de haine envers les classes pauvres ? La

  1. Life of the Seventh Earth of Shaftesbury, par Edwin Hodder. vol. I, pp. 137-138