Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/371

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ges différents), ce fut la phratrie, l’hétairie, l’amkari, l’artel, la guilde[1].

Quant à l’idée et à la forme d’une telle organisation, ses éléments existaient déjà dès la période sauvage. Nous savons en effet que dans tous les clans de sauvages il y a des organisations secrètes de guerriers, de sorciers, de jeunes gens, etc., et des « mystères » de métiers, dans lesquels se transmet la science concernant la chasse ou la guerre ; en un mot des « clubs » comme les décrit Miklukho-Maclay. Ces « mystères » furent, selon toute probabilité, les prototypes des futures guildes[2].

  1. On est frappé de voir avec quelle évidence cette même idée est exprimée dans le passage de Plutarque concernant la législation des « collèges de métiers » par Numa : « Et par ce moyen, écrit Plutarque, il fut le premier à bannir de la cité cet état d’esprit qui poussait le peuple à dire « Je suis un Sabin » ou « je suis un Romain », ou « je suis un sujet de Tatius », ou « je suis un sujet de Romulus », — en d’autres termes, à exclure l’idée de descendance différente.
  2. L’ouvrage de H. Schurz, consacré aux « classes par rang d’âge » et aux unions secrètes pendant les époques barbares de la civilisation (Altersklassen und Männerverbande : eine Darstellung e der Grundformen der Gesellschaft, Berlin, 1902) qui me parvient pendant que je suis en train de relire les épreuves de ces pages [La première édition anglaise, parue en 1902 (note du traducteur)] contient nombre de faits confirmant l’hypothèse ci-dessus énoncée sur l’origine des guildes. L’art de bâtir une grande maison communale de façon à ne pas offenser les esprits des arbres abattus ; l’art de forger les métaux de façon à se concilier les esprits hostiles ; les secrets de la chasse et des cérémonies et danses masquées, qui la rendent heureuse ; l’art d’enseigner les arts des sauvages aux jeunes garçons ; les moyens secrets de se préserver des sortilèges des ennemis, et par suite, l’art de la guerre ; la fabrication des bateaux, des filets de pêche, des trappes pour prendre les animaux, ou des pièges à oiseaux, et enfin les arts des femmes concernant le tissage et la teinture des étoffes — c’étaient là dans les temps anciens autant d’« artifices », et de « mystères » (crafts), qui demandaient le secret pour être effectifs. Aussi, depuis les temps les plus anciens ils n’étaient transmis que par des sociétés secrètes à ceux seuls qui avaient subi une pénible initiation. H. Schurtz montre que dans la vie des sauvages il y a tout un réseau de sociétés secrètes et de « clubs » (de guerriers, de chas-)