Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/47

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rivières étroites ils se divisent même en deux bandes dont chacune se range en demi-cercle, pour nager ensuite à la rencontre de l’autre, exactement comme si deux équipes d’hommes traînant deux longs filets s’avançaient pour capturer le poisson compris entre les filets, quand les deux équipes se rencontrent. Le soir venu, ils s’envolent vers un certain endroit, où ils passent la nuit — toujours le même pour chaque troupe — et personne ne les a jamais vus se battre pour la possession de la baie, ni des places de repos. Dans l’Amérique du Sud, ils se réunissent en bandes de quarante à cinquante mille individus ; les uns dorment tandis que d’autres veillent et que d’autres encore vont pêcher[1]. Enfin ce serait faire tort aux moineaux francs, si calomniés, que de ne pas mentionner le dévouement avec lequel chacun d’eux partage la nourriture qu’il découvre avec les membres de la société à laquelle il appartient. Le fait était connu des Grecs et la tradition rapporte qu’un orateur grec s’exclama une fois (je cite de mémoire) : « Pendant que je vous parle, un moineau est venu dire à d’autres moineaux qu’un esclave a laissé tomber sur le sol un sac de blé, et ils s’y rendent tous pour manger le grain. » Bien plus, on est heureux de trouver cette observation ancienne confirmée dans un petit livre récent de M. Gurney, qui ne doute pas que le moineau franc n’informe toujours les autres moineaux de l’endroit où il y a de la nourriture à voler ; il ajoute : « Quand une meule a été battue, si loin que ce soit de la cour, les moineaux de la cour ont toujours leurs jabots pleins de grains[2]. » Il est vrai que les moineaux sont très stricts

  1. Max Perty, Ueber das Seelenleben der Thiere (Leipzig, 1876), pp. 87, 103
  2. The House-Sparrow, par G. H. Gurney (Londres, 1885), p.5.