Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/71

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cimarones des Pampas et les chevaux demi-sauvages de Mongolie et de Sibérie. Ils vivent tous en nombreuses associations faites de beaucoup de groupes, chacun composé d’un certain nombre de juments sous la conduite d’un étalon. Ces innombrables habitants de l’Ancien et du Nouveau Continent, mal organisés en somme pour résister tant à leurs nombreux ennemis qu’aux conditions adverses du climat, auraient bientôt disparu de la surface de la terre sans leur esprit de sociabilité. A l’approche d’une bête de proie plusieurs groupes s’unissent immédiatement, ils repoussent la bête et quelquefois la chassent : et ni le loup, ni l’ours, ni même le lion, ne peuvent capturer un cheval ou même un zèbre tant que l’animal n’est pas détaché du troupeau. Quand la sécheresse brûle l’herbe dans les prairies, ils se réunissent en troupeaux comprenant quelquefois dix mille individus et émigrent. Et quand une tourmente de neige est déchaînée dans les steppes, tous les groupes se tiennent serrés les uns contre les autres et se réfugient dans un ravin abrité. Mais si la confiance mutuelle disparaît, ou si le troupeau est saisi par la panique et se disperse, les chevaux périssent en grand nombre, et les survivants sont retrouvés après l’orage à moitié morts de fatigue. L’union est leur arme principale dans la lutte pour la vie, et l’homme est leur principal ennemi. Devant l’envahissement de l’homme, les ancêtres de notre cheval domestique (l’Equus Prezwalskii, ainsi nommé par Poliakoff) ont préféré se retirer vers les plateaux les plus sauvages et les moins accessibles de l’extrémité du Thibet, où ils continuent à vivre entourés de carnivores, sous un climat aussi mauvais que celui des régions arctiques, mais dans une région inaccessible à l’homme[1].

  1. A propos des chevaux, il est à remarquer que le zèbre couagga