Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/76

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enfantines frappèrent tant Humboldt, s’embrassent et se protègent les uns les autres quand il pleut, roulant leur queue autour du cou de leurs camarades grelottants. Plusieurs espèces montrent la plus grande sollicitude pour leurs blessés, et n’abandonnent pas un camarade blessé pendant la retraite jusqu’à ce qu’ils se soient assurés qu’il est mort et qu’ils sont impuissants à le rappeler à vie. James Forbes raconte dans ses Mémoires d’Orient que certains de ces singes montrèrent une telle persévérance à réclamer de ses compagnons de chasse le corps mort d’une femelle que l’on comprend bien pourquoi « les témoins de cette scène extraordinaire résolurent de ne plus jamais tirer sur aucune espèce de singes[1] ». Chez certaines espèces on voit plusieurs individus s’unir pour retourner des pierres et chercher les œufs de fourmis qui peuvent se trouver dessous. Les hamadryas non seulement posent des sentinelles, mais on les a vus faire la chaîne pour transporter leur butin en lieu sûr ; et leur courage est bien connu. La description que fait Brehm de la bataille rangée que sa caravane eut à soutenir contre les hamadryas pour pouvoir continuer sa route dans la vallée du Mensa, en Abyssinie, est devenue classique[2]. L’enjouement des singes à longues queues et l’attachement mutuel qui règne dans les familles de chimpanzés sont connus de la plupart des lecteurs. Et si nous trouvons parmi les singes les plus élevés deux espèces, l’orang-outang et le gorille, qui ne sont pas sociables, il faut nous rappeler que toutes les deux — limitées d’ailleurs à de très petits espaces, l’une au cœur de l’Afrique, l’autre dans les deux îles de Bornéo

  1. L’intelligence des animaux de Romanes, p. 472
  2. Brehm, I, 82 ; Descent of Man de Darwin, ch. III. L’expédition Kozloff de 1899-1901 eut à soutenir un combat semblable dans le Nord du Thibet.