Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous cherchons plus de détails pour déterminer jusqu’à quel degré la décroissance d’une espèce a vraiment été produite par la croissance d’une autre espèce, Darwin, avec son habituelle bonne foi, nous dit :

Nous pouvons entrevoir vaguement pourquoi la compétition doit être plus implacable entre des espèces apparentées qui occupent à peu près la même aire dans la nature : mais probablement en aucune occasion nous ne pourrions dire au juste pourquoi une espèce triomphe plutôt que l’autre dans la grande bataille de la vie.

Quant à Wallace, qui cite les mêmes faits sous un titre légèrement modifié : « La lutte pour la vie entre des animaux et des plantes étroitement apparentées est souvent des plus rigoureuses », il fait la remarque suivante (les italiques sont de moi[1] ) qui donne un tout autre aspect aux faits cités ci-dessus :


Dans certains cas, sans doute, il y a guerre véritable

    sance d’une autre espèce d’hirondelles de l’Amérique du Nord ; le récent accroissement des grosses grives (missel-thrush) en Écosse a causé la décroissance de la grive chanteuse (song-thrush) ; le rat brun a pris la place du rat noir en Europe ; en Russie le petit cafard a chassé de partout son grand congénère ; et en Australie l’abeille essaimeuse, qui a été importée, extermine rapidement la petite abeille sans aiguillon. Deux autres cas, mais qui ont trait à des animaux domestiques, sont cités dans le paragraphe précédent. Mais A. R. Wallace, qui rappelle les mêmes faits, remarque dans une note sur les grives d’Écosse : « Cependant le professeur A. Newton m’informe que ces espèces ne se nuisent pas de la façon racontée ici. » (Darwinism, p. 34.) Quant au rat brun on sait que par suite de ses habitudes d’amphibie, il reste habituellement dans les parties basses de nos habitations (caves profondes, égouts, etc.) ainsi que sur les rives des canaux et des rivières ; il entreprend aussi de lointaines migrations en bandes innombrables. Le rat noir au contraire préfère rester dans nos maisons mêmes, sous les planches et dans les écuries ou les granges. Ainsi il est beaucoup plus exposé à être exterminé par l’homme, et c’est pourquoi on n’a pas le droit d’affirmer que le rat noir est exterminé ou affamé par le rat brun et non par l’homme.

  1. (l’absence d’italiques dans notre cas...)