Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/96

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les jours de verglas sont fréquents au commencement du printemps, et s’il survient une série de ces jours les chevaux s’épuisent de plus en plus. Puis vient une tourmente de neige, qui force les animaux déjà affaiblis à se passer de nourriture pendant plusieurs jours, et ils meurent alors en grand nombre. Les pertes durant le printemps sont si énormes que si la saison a été un peu plus rude qu’à l’ordinaire ces pertes ne sont même pas couvertes par les nouvelles naissances, d’autant plus que tous les chevaux sont épuisés et que les jeunes poulains naissent faibles. De cette façon le nombre des chevaux et des bestiaux reste toujours au-dessous de ce qu’il pourrait être s’il était déterminé par la quantité de nourriture. Toute l’année il y a de la nourriture pour cinq ou dix fois autant d’animaux, et cependant leur nombre ne s’accroît que très lentement. Mais pour peu que le propriétaire bouriate fasse dans la steppe une provision de foin, si minime soit-elle, et qu’il en fournisse aux animaux pendant les jours de verglas ou de neige trop abondante, il constate aussitôt l’accroissement de ses troupeaux. Presque tous les herbivores à l’état libre et beaucoup de rongeurs en Asie et en Amérique étant dans des conditions semblables, nous pouvons dire avec certitude que leur nombre n’est pas limité par la compétition, qu’à aucune époque de l’année ils n’ont à lutter les uns contre les autres pour la nourriture, et que s’ils restent bien loin de la surpopulation, c’est le climat et non la compétition qui en est cause.

L’importance des obstacles naturels à la surpopulation et la façon dont ces obstacles infirment l’hypothèse de la compétition vitale, nous semblent n’avoir jamais été pris en considération suffisante. Les obstacles, ou plutôt quelques-uns d’entre eux, sont mentionnés, mais leur action est rarement étudiée en détail.