Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/99

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sousliks disparurent soudainement dans la région de Sarepta, dans la Russie du Sud-Est, par suite de quelque épidémie ; et pendant longtemps on ne vit plus aucun souslik dans cette région. Il fallut bien des années avant qu’ils redevinssent aussi nombreux qu’ils l’étaient auparavant[1].

Des faits semblables, tendant tous à réduire l’importance qu’on a donnée à la compétition, pourraient être cités en très grand nombre[2]. Certes on pourrait répliquer, en citant ces paroles de Darwin, que néanmoins, chaque être organisé, « à quelque période de sa vie, durant quelque saison de l’année, dans chaque génération, ou par intervalles, a à lutter pour sa vie et à éprouver de grandes pertes », et que les mieux doués survivent pendant ces périodes de rude combat pour la vie. Mais si l’évolution du monde animal était basée exclusivement, ou même principalement, sur la survivance des mieux doués pendant les périodes de calamités ; si la sélection naturelle était limitée dans son action à des périodes exceptionnelles de sécheresse ou à des changements soudains de température ou à des inondations, la décadence serait la règle dans le monde animal. Ceux qui survivent après une famine, ou après une violente épidémie de choléra ou de petite vérole, ou de diphtérie, telles que nous les voyons dans les pays non civilisés, ne sont ni les plus forts, ni les plus sains, ni les plus intelligents. Aucun progrès ne pourrait être basé sur ces survivances, d’autant moins que tous les survivants sortent de l’épreuve avec une santé affaiblie, comme par exemple ces chevaux de Transbaïkalie que nous venons de mentionner, ou les équipages des expéditions arctiques, ou la garnison

  1. A. Becker, dans le Bulletin de la Société des Naturalistes de Moscou, 1889, p. 625.
  2. Voyez appendice V.