Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/121

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quelconque. Alors, en effet, toutes les mauvaises passions se feraient jour. Ce serait à qui aurait une main puissante dans le bureau. La moindre inégalité ferait pousser des hauts cris ; le moindre avantage donné à quelqu’un ferait crier aux pots-de-vin, — et pour cause !

Mais lorsque le peuple lui-même, réuni par rues, par quartiers, par arrondissements, se chargera de faire emménager les habitants des taudis dans les appartements trop spacieux des bourgeois, les menus inconvénients, les petites inégalités seront prises bien légèrement. On a rarement fait appel aux bons instincts des masses. On l’a fait cependant quelquefois pendant les révolutions, lorsqu’il s’agissait de sauver la barque qui sombrait, — et jamais on ne s’y est trompé. L’homme de peine répondait toujours à l’appel par les grands dévouements.

Il en sera de même lors de la prochaine révolution.


Malgré tout, il y aura probablement des injustices. On ne saurait les éviter. Il y a des individus dans nos sociétés qu’aucun grand événement ne fera sortir de l’ornière égoïste. Mais la question n’est pas de savoir s’il y aura des injustices ou s’il n’y en aura pas. Il s’agit de savoir comment on pourra en limiter le nombre.

Eh bien, toute l’histoire, toute l’expérience de l’humanité, aussi bien que la psychologie des sociétés, sont là pour dire que le moyen le plus équitable est de remettre la chose aux intéressés. Seuls, ils pourront, d’ailleurs, prendre en considération et régler les mille détails qui échappent nécessairement à toute répartition bureaucratique.