Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/131

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D’ailleurs, si la révolution se fait dans l’esprit dont nous parlons, la libre initiative des individus trouvera un vaste champ d’action pour éviter les tiraillements de la part des égoïstes. Des groupes pourront surgir dans chaque rue, dans chaque quartier et se charger de pourvoir au vêtement. Ils feront l’inventaire de ce que possède la cité révoltée et connaîtront, à peu de chose près, de quelles ressources en ce genre elle dispose. Et il est fort probable que, pour le vêtement, les citoyens de la cité adopteront le même principe que pour les denrées : — « Prise au tas pour ce qui se trouve en abondance ; rationnement pour ce qui se trouve en quantité limitée ».

Ne pouvant offrir à chaque citoyen une pelisse en zibeline et à chaque citoyenne une robe de velours, la société distinguera probablement entre le superflu et le nécessaire. Et — provisoirement, du moins — elle rangera la robe de velours et la zibeline parmi les superflus, quitte à voir peut-être par la suite si ce qui est objet superflu aujourd’hui ne peut pas devenir commun demain. Tout en garantissant le nécessaire à chaque habitant de la cité anarchiste, on pourra laisser à l’activité privée le soin de procurer aux faibles et aux malades ce qui sera provisoirement considéré comme objet de luxe ; de pourvoir les moins robustes de ce qui n’entre pas dans la consommation journalière de tous.


— « Mais c’est le nivellement ! L’habit gris de moine », nous dira-t-on. « C’est la disparition de tous les objets d’art, de tout ce qui embellit la vie ! »

— Certainement, non ! Et, nous basant toujours