Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/161

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usine admirablement outillée et ouverte à tout le monde : on y peut disposer gratuitement des instruments et de la force motrice ; le bois seul et les métaux sont comptés au prix de revient. Mais les ouvriers n’y viennent que le soir, épuisés par dix heures de travail à l’atelier. Et ils cachent soigneusement leurs inventions à tous les regards, gênés par la patente et par le Capitalisme, malédiction de la société actuelle, pierre d’achoppement dans la voie du progrès intellectuel et moral.


V

Et l’art ? De tous côtés nous arrivent des plaintes, sur la décadence de l’art. Nous sommes loin, en effet, des grands maîtres de la Renaissance. La technique de l’art a fait récemment des progrès immenses ; des milliers de gens, doués d’un certain talent, en cultivent toutes les branches, mais l’art semble fuir le monde civilisé ! La technique progresse, mais l’inspiration, hante, moins que jamais, les ateliers des artistes.

D’où viendrait-elle, en effet ? Une grande idée, seule, peut inspirer l’art. Art est dans notre idéal synonyme de création, il doit porter ses regards en avant ; mais, sauf quelques rares, très rares exceptions, l’artiste de profession reste trop ignorant, trop bourgeois, pour entrevoir les horizons nouveaux.

Cette inspiration, d’ailleurs, ne peut pas sortir