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Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/203

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se constituer, elle ne durerait pas, et serait bientôt forcée par le mécontentement général, ou de se dissoudre, ou de se réorganiser sur des principes de liberté.

C’est d’une société communiste anarchiste que nous allons nous occuper, d’une société qui reconnaisse la liberté pleine et entière de l’individu, n’admette aucune autorité, n’use d’aucune contrainte pour forcer l’homme au travail. Nous bornant dans ces études au côté économique de la question, voyons si, composée d’hommes tels qu’ils sont aujourd’hui, — ni meilleurs ni plus méchants, ni plus ni moins laborieux, — cette société aurait des chances de se développer heureusement ?

L’objection est connue. « Si l’existence de chacun est assurée, et si la nécessité de gagner un salaire n’oblige pas l’homme à travailler, personne ne travaillera. Chacun se déchargera sur les autres des travaux qu’il ne sera pas forcé de faire. » Relevons d’abord la légèreté incroyable avec laquelle on met cette objection en avant sans se douter que la question se réduit, en réalité, à savoir si, d’une part, on obtient effectivement par le travail salarié les résultats que l’on prétend en obtenir ? Et si, d’autre part, le travail volontaire n’est déjà pas aujourd’hui plus productif que le travail stimulé par le salaire ? Question qui exigerait une étude approfondie. Mais, tandis que, dans les sciences exactes, on ne se prononce sur des sujets infiniment moins importants et moins compliqués, qu’après de sérieuses recherches, on recueille soigneusement des faits et on en analyse les rapports, — ici on se contente d’un fait quelconque, — par exemple, l’insuccès d’une association de communistes en Amérique — pour décider sans appel. On fait