Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/257

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des habitants du Royaume Uni, on est porté à se demander si les cotonnades exportées ne feraient pas, à peu de chose près, le compte des besoins réels de la population.


Généralement, ce n’est pas un surplus que l’on exporte, dussent même les premières exportations avoir eu cette origine. La fable du cordonnier marchant pieds nus est vraie pour les nations, comme elle l’était jadis pour l’artisan. Ce qu’on exporte c’est le nécessaire, et cela se fait ainsi, parce que, avec leur salaire seul, les travailleurs ne peuvent pas acheter ce qu’ils ont produit, en payant les rentes, les bénéfices, l’intérêt du capitaliste et du banquier.

Non seulement le besoin toujours croissant de bien-être reste sans satisfaction, mais le strict nécessaire manque aussi trop souvent. La surproduction n’existe donc pas, du moins dans cette acception, et n’est qu’un mot inventé par les théoriciens de l’économie politique.


Tous les économistes nous disent que s’il y a une « loi » économique bien établie, c’est celle-ci : « L’homme produit plus qu’il ne consomme. » Après avoir vécu des produits de son travail il lui reste toujours un excédent. Une famille de cultivateurs produit de quoi nourrir plusieurs familles, et ainsi de suite.

Pour nous, cette phrase, si fréquemment répétée, est vide de sens. Si elle devait signifier que chaque génération laisse quelque chose aux générations futures — ce serait exact. En effet, un cultivateur plante un arbre qui vivra trente ou quarante ans, un siècle,