Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/272

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spécialité de l’Angleterre. Et tandis que les travailleurs anglais chôment et tombent dans la misère, ce sont les femmes indiennes qui, payées à raison de 60 centimes par jour, font à la machine les cotonnades vendues dans les ports de l’Extrême Orient.

Bref, le jour n’est pas loin, — et les manufacturiers intelligents ne se le dissimulent pas, — où l’on ne saura plus que faire des « bras » qui s’occupaient en Angleterre à tisser des cotonnades pour les exporter. Ce n’est pas tout : il résulte de rapports très sérieux que dans dix ans l’Inde n’achètera plus une seule tonne de fer à l’Angleterre. On a surmonté les difficultés premières pour employer la houille et le fer des Indes, et des usines, rivales des fabriques anglaises, se dressent déjà sur les côtes de l’Océan Indien.

La colonie faisant concurrence à la métropole par ses produits manufacturés, voilà le phénomène déterminant de l’économie du dix-neuvième siècle.

Et pourquoi ne le ferait-elle pas ? Que lui manque-t-il ? — Le capital ? Mais le capital va partout où se trouvent des misérables à exploiter. — Le savoir ? Mais le savoir ne connaît pas les barrières nationales. — Les connaissances techniques de l’ouvrier ? Mais, l’ouvrier hindou serait-il inférieur à ces 92,000 garçons et filles de moins de quinze ans qui travaillent en ce moment dans les manufactures textiles de l’Angleterre ?