Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/43

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quarante sous. Reposez-vous, rude travailleur, qui avez peiné toute votre vie ! » Et, en attendant on pointait les canons. On levait le ban et l’arrière-ban de la troupe ; on désorganisait les travailleurs eux-mêmes par mille moyens que les bourgeois connaissent à merveille. Et un beau jour, on leur disait : « Partez pour coloniser l’Afrique, ou bien nous allons vous mitrailler ! »


Tout autre sera le résultat si les travailleurs revendiquent le droit à l’aisance ! Ils proclament par cela même leur droit de s’emparer de toute la richesse sociale ; de prendre les maisons et de s’y installer, selon les besoins de chaque famille ; de saisir les vivres accumulés et d’en user de manière à connaître l’aisance après n’avoir que trop connu la faim. Ils proclament leur droit à toutes les richesses — fruit du labeur des générations passées et présentes, et ils en usent de manière à connaître ce que sont les hautes jouissances de l’art et de la science, trop longtemps accaparées par les bourgeois.

Et en affirmant leur droit à l’aisance, ils déclarent, ce qui est encore plus important, leur droit de décider eux-mêmes ce que doit être cette aisance, — ce qu’il faut produire pour l’assurer et ce qu’il faut abandonner comme sans valeur désormais.

Le droit à l’aisance c’est la possibilité de vivre comme des êtres humains et d’élever les enfants pour en faire des membres égaux d’une société supérieure à la nôtre, tandis que le « droit au travail » est le droit de rester toujours l’esclave salarié, l’homme de peine, gouverné et exploité par les bourgeois de demain. Le droit à l’aisance c’est la