Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/76

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met seulement la main sur les maisons ou sur les usines, elle sera amenée par la force même des choses à ne plus reconnaître aux banquiers le droit de prélever sur la Commune cinquante millions d’impôts sous forme d’intérêts pour des prêts antérieurs. Elle sera obligée de se mettre en rapport avec des cultivateurs, et forcément elle les poussera à s’affranchir des possesseurs du sol. Pour pouvoir manger et produire, il lui faudra exproprier les chemins de fer ; enfin, pour éviter le gaspillage des denrées, pour ne pas rester, comme la Commune de 1793, à la merci des accapareurs de blé, elle remettra aux citoyens mêmes le soin d’approvisionner leurs magasins de denrées et de répartir les produits.


Cependant quelques socialistes ont encore cherché à établir une distinction. — « Qu’on exproprie le sol, le sous-sol, l’usine, la manufacture, — nous le voulons bien », disaient-ils. « Ce sont des instruments de production, et il serait juste d’y voir une propriété publique. Mais il y a, outre cela, les objets de consommation : la nourriture, le vêtement, l’habitation, qui doivent rester propriété privée. »

Le bons sens populaire a eu raison de cette distinction subtile. En effet, nous ne sommes pas des sauvages pour vivre dans la forêt sous un abri de branches. Il faut une chambre, une maison, un lit, un poêle à l’Européen qui travaille.

Le lit, la chambre, la maison sont des lieux de fainéantise pour celui qui ne produit rien. Mais pour le travailleur, une chambre chauffée et éclairée est aussi bien un instrument de production que la machine ou l’outil. C’est le lieu de restauration de ses muscles et de ses nerfs, qui s’useront demain en