Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/118

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du gouvernement, les défenseurs de la Bastille se mirent à tirer dessus, et il y eut même une tentative de relever le grand pont-levis de l’Avancée, pour empêcher la foule d’évacuer la cour du Gouvernement et de la faire prisonnière ou de la massacrer[1]. Ainsi, juste au moment où Thuriot et Corny annonçaient, place de la Grève, que le gouverneur avait promis de ne pas tirer, la cour du Gouvernement était balayée par le feu de mousqueterie des soldats postés sur les remparts, et le canon de la Bastille lançait ses boulets dans les rues voisines. Après tous les pourparlers qui avaient lieu dans la matinée, ce feu ouvert sur le peuple fut évidemment interprété comme un acte de trahison de la part de de Launey, que le peuple accusa d’avoir lui-même fait descendre les deux premiers ponts-levis de l’Avancée, afin d’attirer la foule sous le feu des remparts[2].

Il était environ une heure à ce moment. La nouvelle

  1. Cette tentative fut faite — on affirme aujourd’hui — non sur les ordres de de Launey, mais spontanément par quelques invalides, qui étaient sortis pour acheter des provisions et qui rentraient. Acte fort improbable, ce me semble, de la part de trois ou quatre soldats perdus au milieu de la foule. Et puis — à quoi bon emprisonner cette foule, à moins de vouloir s’en servir comme d’otages contre le peuple ?
  2. Diverses explications ont été données de cette ouverture soudaine des hostilités. Comme le peuple qui avait envahi la cour de l’Orme et la cour du Gouvernement s’était mis à piller la maison du commandant et celles qu’habitaient les invalides, c’est cela qui aurait décidé les défenseurs de la Bastille à ouvrir le feu. Cependant, pour des militaires, la prise d’assaut de l’Avancée, — qui donnait au peuple accès jusqu’aux ponts-levis de la forteresse, et jusqu’à ses portes mêmes, — était déjà une raison suffisante. Mais il est possible aussi que l’ordre de défendre la Bastille jusqu’à la dernière extrémité fût transmis à ce moment à de Launey. On sait qu’un de ces ordres fut intercepté, ce qui ne prouve pas que quelque autre ordre ne lui fût parvenu. On souçonne même qu’en effet, de Launey reçut cet ordre.