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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/12

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LA GRANDE RÉVOLUTION

tième siècle avaient sapé les fondements des sociétés policées de l’époque, dans lesquelles le pouvoir politique, ainsi qu’une immense partie des richesses, appartenaient à l’aristocratie et au clergé, tandis que la masse du peuple restait la bête de somme des puissants. En proclamant la souveraineté de la raison, en prêchant confiance en la nature humaine et en déclarant que celle-ci, corrompue par les institutions qui, dans le cours de l’histoire, imposèrent à l’homme la servitude, retrouverait néanmoins toutes ses qualités lorsqu’elle aurait reconquis la liberté, les philosophes avaient ouvert à l’humanité de nouveaux horizons. En proclamant l’égalité de tous les hommes, sans distinction d’origine, et en demandant l’obéissance de chaque citoyen, — qu’il fût roi ou paysan, — à la loi, censée exprimer la volonté de la nation, lorsqu’elle a été faite par les représentants du peuple ; en demandant enfin la liberté des contrats entre hommes libres et l’abolition des servitudes féodales ; en formulant toutes ces réclamations, reliées entre elles par l’esprit systématique et la méthode qui caractérisent la pensée du peuple français, — les philosophes avaient certainement préparé la chute de l’ancien régime, du moins dans les esprits.

Mais cela seul ne pouvait suffire pour faire éclater la Révolution. Il fallait encore passer de la théorie à l’action, de l’idéal conçu en imagination à la mise en pratique dans les faits ; et ce qu’il importe surtout à l’histoire d’étudier aujourd’hui, ce sont les circonstances qui permirent à la nation française, à un moment donné, de faire cet effort : commencer la réalisation de l’idéal.