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tuante. Alors le peuple lui-même s’en chargea, d’autant plus que dans le courant de l’été de 1789, une nouvelle cause de mécontentement vint s’ajouter à celles qui viennent d’être énumérées. C’était la disette, les prix exorbitants du pain, le manque de ce pain, dont les classes pauvres souffraient dans la plupart des villes. Là même où la municipalité faisait de son mieux pour en abaisser le prix par des achats de grains, ou par une taxe qui réglait les prix, — le pain manquait toujours et le peuple affamé faisait queue aux portes des boulangers.

Mais dans beaucoup de villes le maire et les échevins suivaient l’exemple de la Cour et des princes, et spéculaient, eux aussi, sur la disette. C’est pourquoi, dès que la nouvelle de la prise de la Bastille, ainsi que de l’exécution de Foullon et de Bertier se répandit en province, le peuple des villes commença un peu partout à se soulever. Il exigeait d’abord une taxe sur le pain et la viande ; il démolissait les maisons des principaux accapareurs — souvent des officiers municipaux ; il s’emparait de l’hôtel de ville et nommait, par élection au suffrage populaire, une nouvelle municipalité, sans faire attention aux prescriptions de la loi, ni aux droits légaux de l’ancien corps municipal, ou aux « charges » achetées par les « conseillers ». Un mouvement de la plus haute portée révolutionnaire se produisait ainsi, car la ville affirmait, non seulement son autonomie, mais aussi sa volonté de prendre une part active au gouvernement général de la nation. C’était, comme l’a très bien remarqué Aulard[1], un mouvement commu-

  1. Histoire politique de la Révolution française, 2ème édition, 1903.