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CHAPITRE PREMIER

le royaume à la ruine complète par son incapacité, sa légèreté, sa dissipation. Mais, à elles seules, la bourgeoisie et les classes instruites n’auraient rien fait, si, à la suite de circonstances multiples, la masse des paysans ne s’était aussi ébranlée et, par une série continuelle d’insurrections qui durèrent quatre ans, n’eût donné aux mécontents des classes moyennes la possibilité de combattre le roi et la Cour, de renverser les vieilles institutions, et de changer complètement le régime politique du royaume.

Cependant l’histoire de ce double mouvement reste encore à faire. L’histoire de la Grande Révolution Française a été faite et refaite bien des fois, au point de vue de tant de partis différents ; mais jusqu’à présent les historiens se sont appliqués surtout à raconter l’histoire politique, l’histoire des conquêtes de la bourgeoisie sur le parti de la Cour et sur les défenseurs des institutions de la vieille monarchie. Ainsi nous connaissons très bien le réveil de la pensée qui précéda la Révolution. Nous connaissons les principes qui dominèrent la Révolution, et qui se traduisirent dans son œuvre législative ; nous nous extasions aux grandes idées qu’elle lança dans le monde et que le dix-neuvième siècle chercha plus tard à réaliser dans les pays civilisés. Bref, l’histoire parlementaire de la Révolution, ses guerres, sa politique et sa diplomatie ont été étudiées et racontées dans tous les détails. Mais l’histoire populaire de la Révolution reste encore à faire. Le rôle du peuple des campagnes et des villes dans ce mouvement n’a jamais été raconté ni étudié dans son entier. Des deux courants qui firent la Révolution, celui de la pensée est connu, mais