Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le rachat des féodalités ecclésiastiques, à condition que le prix du rachat ne crée pas de fortunes personnelles au sein du clergé, mais que le tout soit employé en œuvres d’utilité générale. Un évêque parle alors des dégâts faits dans les champs des paysans par les meutes de chiens des seigneurs, et demande l’abolition du privilège de la chasse — et aussitôt la noblesse donne son adhésion par un cri puissant et passionné. L’enthousiasme est à son comble, et lorsque l’Assemblée se sépare à deux heures de la nuit, chacun sent que les bases d’une nouvelle société ont été posées.

Loin de nous l’idée de diminuer la portée de cette nuit. Il faut des enthousiasmes de ce genre pour faire marcher les événements. Il en faudra encore à la Révolution sociale. Car, en révolution, il importe de provoquer l’enthousiasme, de prononcer ces paroles qui font vibrer les cœurs. Le seul fait que la noblesse, le clergé et toute sorte de privilégiés venaient de reconnaître, pendant cette séance de nuit, les progrès de la Révolution ; qu’ils décidaient de s’y soumettre, au lieu de s’armer contre elle, — ce seul fait fut déjà une conquête de l’esprit humain. Il le fut d’autant plus que la renonciation eut lieu par enthousiasme. À la lueur, il est vrai, des châteaux qui brûlaient ; mais, que de fois des lueurs pareilles n’ont fait que pousser les privilégiés à la résistance obstinée, à la haine, au massacre ! La nuit du 4 août, ces lueurs lointaines inspiraient d’autres paroles — des actes de sympathie pour les révoltés — et d’autres actes : des actes d’apaisement.

C’est que depuis le 14 juillet l’esprit de la Révolution — résultat de toute l’effervescence qui se produisait en