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Quant au grand prévôt du Dauphiné, il parcourait tout le pays et pendait les paysans révoltés. (Buchez et Roux, II, 244). « En Rouergue, la ville de Milhaud faisait appel aux villes voisines en les invitant à s’armer contre les brigands et ceux qui refusent de payer les taxes. » (Courrier parisien, séance du 19 août 1789, p. 1729)[1].

Bref, on voit par ces quelques faits, dont il me serait facile d’augmenter la liste, que là où le soulèvement des paysans fut le plus violent, la bourgeoisie entreprit de l’écraser ; et elle aurait sans doute contribué puissamment à le faire, si les nouvelles venues de Paris après la nuit du 4 août n’avaient pas donné une nouvelle vigueur à l’insurrection.

Le soulèvement des paysans ne se ralentit, à ce qu’il paraît, qu’en septembre et en octobre, peut-être à cause des labours ; mais en janvier 1790, nous apprenons, par

  1. Après la défaite de deux grands attroupements de paysans, dont l’un menaçait le château de Cormatin, et l’autre la ville de Cluny, et des supplices d’une sévérité exagérée, disent Buchez et Roux, la guerre continua, mais s’éparpilla. « Cependant, le comité permanent de Mâcon s’était illégalement érigé en tribunal : il avait fait exécuter vingt de ces malheureux paysans, coupables d’avoir eu faim et de s’être révoltés contre la dîme et les droits féodaux » (p. 244). Partout, le soulèvement était provoqué définitivement par des faits de moindre importance : des disputes avec le seigneur ou le chapitre pour un pré ou une fontaine ; ou bien, dans un château auquel appartenait le droit de haute et de basse justice, plusieurs des vassaux furent pendus pour quelques délits de maraude, etc. Les brochures du temps, consultées par Buchez et Roux, disent que le parlement de Douai fit exécuter 12 chefs d’attroupements ; le comité des électeurs (bourgeois) de Lyon fit marcher une colonne mobile de gardes nationaux volontaires. Un pamphlet du temps assure que cette petite armée, dans un seul engagement, « tua 80 de ceux qu’on appelait les brigands, et en amena 60 prisonniers ». Le grand-prévôt du Dauphiné, soutenu par un corps de milice bourgeoisie, parcourait les campagnes et exécutait (Buchez et Roux, II, 245).