Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/219

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les Trois Cents, profitant du meurtre d’un boulanger (21 octobre), allèrent implorer de l’Assemblée une loi martiale que celle-ci s’empressa de voter. Il suffisait désormais qu’un officier municipal fît déployer le drapeau rouge pour que la loi martiale fût proclamée ; alors tout attroupement devenait criminel, et la troupe, requise par l’officier municipal, pouvait faire feu sur le peuple après trois sommations. Si le peuple se retirait paisiblement, sans violence, avant la dernière sommation, les instigateurs seuls de la sédition étaient poursuivis et envoyés pour trois ans en prison — si l’attroupement était sans armes ; mis à mort, s’il était armé. Mais en cas de violences commises par le peuple, c’était la mort pour tous ceux qui s’en seraient rendus coupables. La mort aussi pour chaque soldat ou officier de la garde nationale qui exciterait ou fomenterait des attroupements !

Un meurtre commis dans la rue avait suffi pour faire rendre cette loi, et dans toute la presse de Paris, comme l’a très bien remarqué Louis Blanc, il n’y eut qu’une seule voix — celle de Marat — pour protester contre cette loi atroce et pour dire qu’en temps de révolution, lorsqu’une nation est encore à rompre ses fers et à se débattre douloureusement contre ses ennemis, une loi martiale n’a pas de raison d’être. Dans l’Assemblée, il n’y eut que Robespierre et Buzot pour protester ; et encore — pas en principe ! Il ne fallait pas proclamer, disaient-ils, la loi martiale avant d’avoir établi un tribunal qui pût juger les criminels de lèse-nation.

Profitant de la détente qui devait nécessairement se produire dans le peuple après le mouvement du 5 et 6 oc-