Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/237

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un pouvoir constitutionnel que le roi s’est vu forcé de reconnaître. Mais s’il l’a reconnu officiellement, il n’y voit toujours qu’une usurpation, une insulte à son autorité royale, dont il ne veut pas admettre la diminution. C’est pourquoi il s’ingénie à trouver mille petits moyens pour rabaisser l’Assemblée et lui disputer la moindre parcelle d’autorité. Et jusqu’au dernier moment, il n’abandonnera pas l’espoir de réduire un jour à l’obéissance ce nouveau pouvoir qu’il se reproche d’avoir laissé se constituer à côté du sien.

Dans cette lutte tous les moyens lui sont bons. Par expérience, il sait que les hommes de son entourage s’achètent – les uns pour peu de choses, les autres à la condition qu’on y mette le prix – et il s’évertue à trouver de l’argent, beaucoup d’argent, en l’empruntant à Londres, afin de pouvoir acheter les chefs de partis dans l’Assemblée et ailleurs. Il n’y parvient que trop bien avec un de ceux qui sont le plus en vedette, c’est-à-dire avec Mirabeau, qui, moyennant de forts paiements, devint le conseiller de la Cour et le défenseur du roi et passa ses derniers jours dans un luxe absurde. Mais ce n’est pas seulement dans l’Assemblée que la royauté trouve ses suppôts : c’est surtout au dehors. Elle les a parmi ceux que la Révolution dépouille de leurs privilèges, des folles pensions qui leur furent allouées jadis et de leurs colossales fortunes ; parmi le clergé qui voit son influence périr ; parmi les nobles qui perdent, avec leurs droits féodaux, leur situation privilégiée ; parmi les bourgeois qui craignent pour les capitaux qu’ils ont engagés dans l’industrie, le commerce et les emprunts de l’État, – parmi ces mêmes bourgeois qui