Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/26

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elle-même, contenaient un élément de socialisme. Le mot « socialisme » n’y était certainement pas, puisqu’il ne date que du milieu du dix-neuvième siècle. La conception de l’État capitaliste, à laquelle la fraction social-démocrate du grand parti socialiste cherche à réduire aujourd’hui le socialisme, ne dominait certainement pas au point où il domine aujourd’hui, puisque les fondateurs du « collectivisme » social-démocratique, Vidal et Pecqueur, n’écrivirent qu’entre 1840 et 1849. Mais on ne peut relire aujourd’hui les ouvrages des écrivains précurseurs de la Révolution, sans être frappé de la façon dont ces écrits étaient imbus des idées qui font l’essence même du socialisme moderne.

Deux idées fondamentales — celle de l’égalité de tous les citoyens dans leurs droits à la terre, et celle que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de communisme, trouvaient des partisans dévoués parmi les encyclopédistes, ainsi que parmi les écrivains les plus populaires de l’époque, tels que Mably, d’Argenson et tant d’autres de moindre importance. Il est tout naturel que, la grande industrie étant alors dans les langes, et le capital par excellence, l’instrument principal d’exploitation du travail humain, étant alors la terre, et non pas l’usine qui se constituait à peine, — c’est vers la possession en commun du sol que se portait surtout la pensée des philosophes et, plus tard, la pensée des révolutionnaires du dix-huitième siècle. Mably, qui, bien plus que Rousseau, inspira les hommes de la Révolution, ne demandait-il pas, en effet, dès 1768 (Doutes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétés) l’égalité pour tous dans le droit au sol et la possession communiste du sol ? Et le