Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/339

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bientôt remettre les sans-culottes à la raison. De jour en jour ils attendaient la nouvelle d’une invasion allemande, marchant triomphalement sur Paris et rétablissant l’ancien régime dans toute sa splendeur. Dans les provinces, nous l’avons vu, la réaction organisait ses partisans au vu et au su de tout le monde.

Quant à la Constitution, que les bourgeois et même les intellectuels révolutionnaires de la bourgeoisie parlaient de conserver à tout prix, elle n’existait que pour les mesures de moindre importance, tandis que les réformes sérieuses restaient en souffrance. L’autorité du roi avait été limitée, mais d’une façon très modeste. Avec les pouvoirs que la Constitution lui laissait (la liste civile, le commandement militaire, le choix des ministres, le veto, etc.), et surtout avec l’organisation intérieure de la France, qui laissait tout aux mains des riches, le peuple ne pouvait rien.

Personne ne soupçonnera, sans doute, l’Assemblée législative de radicalisme, et il est évident que ses décrets concernant les redevances féodales ou les prêtres devaient être imbus d’une modération parfaitement bourgeoise ; et cependant, même à ces décrets le roi refusait sa signature. Tout le monde sentait qu’on vivait au jour le jour, sous un système qui n’offrait rien de stable et qui pouvait être facilement renversé en faveur de l’ancien régime.

Entre temps, le complot qui se tramait aux Tuileries s’étendait chaque jour davantage sur la France et enveloppait les cours de Berlin, de Vienne, de Stockholm, de Turin, de Madrid et de Pétersbourg. L’heure était proche où les contre-révolutionnaires allaient frapper le grand