Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/342

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Mais avec quelle timidité ! On aurait voulu le peuple dans la rue, pour combattre les royalistes ; mais on n’osait pas vouloir les conséquences. — « Et si le peuple ne se contentait pas de renverser le pouvoir royal ? S’il marchait contre les riches, les puissants, les fourbes, qui n’avaient vu dans la Révolution qu’un moyen de s’enrichir ? S’il balayait l’Assemblée Législative après les Tuileries ? Si la Commune de Paris, les enragés, les « anarchistes » — ceux que Robespierre lui-même accablait volontiers d’invectives, — ces républicains qui prêchaient « l’égalité des fortunes », — allaient prendre le dessus ? »

C’est pourquoi, dans tous les pourparlers qui eurent lieu avant le 20 juin, on voit tant d’hésitation de la part des révolutionnaires connus. C’est pourquoi les Jacobins témoignent tant de répugnance à admettre un nouveau soulèvement populaire, et ne le suivent qu’après que le peuple a vaincu. Ce ne sera qu’en juillet, lorsque le peuple, passant outre aux lois constitutionnelles, proclamera la permanence des sections, ordonnera l’armement général et forcera l’Assemblée à déclarer « la patrie en danger », ce ne sera qu’alors que les Robespierre, les Danton et, au dernier moment, les Girondins se décideront à suivre le peuple et à se reconnaître plus ou moins solidaires de l’insurrection.

On comprend que dans ces circonstances le mouvement du 20 juin ne pouvait avoir l’entrain ni l’unité nécessaire pour en faire une insurrection réussie contre les Tuileries. Le peuple descendit dans la rue, mais, incertain quant à l’attitude de la bourgeoisie, il n’osa trop se compromettre. Il semblait tâter le terrain pour