Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/397

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sitôt qu’il apprit le résultat de la mission de Manuel, dans l’après-midi du 2 septembre, lança l’appel suivant : « Au nom du peuple, Camarades, il vous est enjoint de tuer tous les prisonniers de l’Abbaye, sans distinction, à l’exemption de l’abbé Lenfant, que vous mettrez dans un lieu sûr. À l’Hôtel de Ville, le 2 septembre. (Signé : Panis, Sergent, administrateurs.) »

Immédiatement un tribunal provisoire, composé de douze jurés nommés par le peuple, fut installé, et l’huissier Maillard, si bien connu à Paris depuis le 14 juillet et le 5 octobre 1789, en fut nommé président. Un tribunal semblable fut improvisé à la Force par deux ou trois membres de la Commune, et ces deux tribunaux s’appliquèrent à sauver autant de prisonniers qu’il leur fut possible. Ainsi Maillard réussit à sauver Cazotte, gravement compromis (Michelet, livre VII, chap. V), et de Sombreuil, connu comme un ennemi déclaré de la Révolution. Profitant de la présence de leurs filles, mademoiselle Cazotte et mademoiselle de Sombreuil, qui s’étaient fait enfermer en prison avec leurs pères, et aussi de l’âge avancé de Sombreuil, il réussit à obtenir leur acquittement. Plus tard, dans un document que Granier de Cassagnac[1] a reproduit en fac-similé, Maillard put dire avec fierté qu’il sauva ainsi la vie à quarante-trois personnes. Inutile de dire que « le verre de sang » de mademoiselle de Sombreuil est une des infâmes inventions des écrivains royalistes (Voy. Louis Blanc, livre VIII, ch. II ; L. Combes, Épisodes et curiosités révolutionnaires, 1872.)

  1. Histoire des Girondins et des massacres de septembre, 2 tomes, 1860.