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Le peuple avait bien supporté la misère et l’oppression durant le règne de Louis XV ; mais dès que le roi fut mort, en 1774, le peuple, qui comprend toujours qu’il y a nécessairement un relâchement de l’autorité, dès qu’il y a changement de maître dans le palais, commença à se révolter. Toute une série d’émeutes éclatèrent de 1775 à 1777.

C’étaient des émeutes de la faim, contenues jusqu’alors seulement par la force. La récolte de 1774 avait été mauvaise, le pain manquait. Alors l’émeute éclata, en avril 1775. À Dijon le peuple s’empara des maisons des accapareurs ; il détruisit leurs meubles et brisa leurs moulins. C’est à cette occasion que le commandant de la ville — un de ces beaux messieurs si raffinés, dont Taine parle avec l’eau à la bouche — dit au peuple cette parole funeste qui, plus tard, fut répétée tant de fois durant la Révolution : L’herbe a déjà poussé, allez dans les champs la brouter !

Auxerre, Amiens, Lille suivirent Dijon. Quelques jours plus tard, les « bandits » — car c’est ainsi que la plupart des historiens désignent les émeutiers affamés, — rassemblés à Pontoise, à Passy, à Saint-Germain avec l’intention de piller les farines, se portaient sur Versailles. Louis XVI dut paraître au balcon du château, leur parler, leur annoncer qu’il réduirait de deux sous le prix du pain — à quoi Turgot, en vrai économiste, s’opposa, comme de raison. La réduction des prix du pain ne fut pas introduite. Entre temps, les « bandits » entrèrent à Paris, pillèrent les boulangers, et distribuèrent à la foule le pain qu’ils purent saisir. La troupe les dispersa. On pendit, place de Grève, deux