Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/46

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toute la ville fut bientôt sur pied. La foule insulta et bouscula les deux fonctionnaires. Au fond, le peuple haïssait l’intendant Bertrand de Moleville, et les bourgeois en profitaient pour répandre le bruit que c’était l’intendant qui faisait tout : « C’est un monstre à étouffer », disait un des billets répandus dans la foule. Aussi lorsqu’il sortit du Palais, on lui lança des pierres, et on jeta sur lui à plusieurs reprises une corde avec nœud coulant. On allait se battre, lorsque — la jeunesse débordant la troupe — un officier jeta son épée et fraternisa avec le peuple.

Peu à peu des troubles du même genre éclatèrent dans plusieurs autres villes de la Bretagne, et les paysans se soulevèrent à leur tour lors de l’embarquement des grains à Quimper, Saint-Brieuc, Morlaix, Port-l’Abbé, Lamballe, etc. Il est intéressant de noter, dans ces désordres, le rôle actif des étudiants de Rennes qui fraternisèrent avec l’émeute[1].

En Dauphiné, et notamment à Grenoble, le soulèvement prit un caractère encore plus sérieux. Dès que le commandant, Clermont-Tonnerre, eut promulgué l’édit qui licenciait le parlement, le peuple de Grenoble se souleva. On sonna le tocsin qui se répandit bientôt dans les villages, et les paysans accoururent en force dans la ville. Il y eut bagarre sanglante et beaucoup de tués. La garde du commandant se trouva impuissante, et son palais fut saccagé. Clermont-Tonnerre, menacé d’une hache, soulevée sur sa tête, dut révoquer l’édit royal.

  1. Du Châtelier, Histoire de la Révolution dans les deux départements de l’ancienne Bretagne, 6 volumes, 1836, t. II, pp. 60-70, 161, etc.