Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Depuis lors, Angers était devenu le centre politique des prêtres réfractaires, et les sœurs de la Sagesse et d’autres servaient d’émissaires aux prêtres pour colporter leurs appels à la révolte et réveiller le fanatisme, en propageant des racontars sur de prétendus miracles (Michelet, livre X, ch. V). Maintenant, la réquisition d’hommes pour la guerre, qui fut promulguée le 10 mars, donna le signal du soulèvement général. Bientôt, sur la demande de Cathelineau, paysan-maçon et sacristain de sa paroisse, devenu un des chefs de bande les plus audacieux, un conseil supérieur, dominé par les prêtres, fut établi, et il eut pour chef le prêtre Bernier.

Le 10, le tocsin sonnait dans plusieurs centaines de paroisses, et près de 100.000 hommes quittaient leurs travaux, pour commencer la chasse aux républicains et aux curés constitutionnels. Vraie chasse, avec un sonneur qui sonnait la vue et l’hallali, dit Michelet ; une extermination en règle, dans laquelle on faisait subir aux suppliciés des souffrances atroces, en les tuant à petits coups et en refusant de les achever, ou bien en abandonnant les torturés aux ciseaux des femmes et aux mains faibles des enfants qui prolongeaient leurs martyrs. Tout cela — sous la conduite des prêtres, avec des miracles pour inciter les paysans à tuer aussi les femmes des républicains. Les nobles, avec leurs amazones royalistes, ne vinrent qu’après. Et lorsque ces « honnêtes gens » se décidèrent à nommer un tribunal pour exterminer les républicains, celui-ci, en six semaines, fit exécuter cinq cent quarante-deux patriotes[1].

  1. « Chaque jour », écrivait un prêtre royaliste, réfractaire, François Chevalier (cité par Chassin), « chaque jour était marqué par des exécutions sanglantes, qui ne peuvent que faire horreur à toute âme honnête, et ne paraissent soutenables qu’aux yeux de la philosophie ». [Elles étaient commandées par des prêtres, au nom de la religion.] « Cependant, les choses en étaient à un point que l’on disait hautement qu’il était indispensable et essentiel à la paix de ne laisser aucun patriote en France. Telle était la fureur populaire qu’il suffisait d’avoir été à la messe des intrus, pour être emprisonné d’abord, et ensuite assommé ou fusillé sous prétexte que les prisons étaient pleines, comme au 2 septembre. » À Machecoul, où ils avaient tué 542 citoyens patriotes, ils parlaient de massacrer les femmes. Charette y poussait ses paysans fanatisés.