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nistration et le désordre dans les finances, pour s’emparer de toute sorte de monopoles, et s’enrichir par les emprunts de l’État.

Mais cela ne suffisait pas à la bourgeoisie. Pendant quelque temps elle peut très bien s’accommoder du despotisme royal et du gouvernement de la Cour. Cependant il arrive un moment où elle commence à craindre pour ses monopoles, pour l’argent qu’elle a prêté à l’État, pour les propriétés foncières qu’elle a acquises, pour les industries qu’elle a fondées, — et alors elle favorise le peuple dans ses émeutes, afin de briser le gouvernement de la Cour et de fonder son pouvoir politique à elle. C’est ce qu’on voit parfaitement se produire durant les treize ou quatorze premières années du règne de Louis XVI, de 1774 à 1788.

Un changement profond dans tout le régime politique de la France s’imposait à vue d’œil ; mais Louis XVI et la Cour résistaient à ce changement, et ils s’y opposèrent si longtemps qu’il arriva un moment où les réformes modestes qui eussent été très bien accueillies au début du règne, ou même en 1783 et 1785, furent déjà dépassées dans la pensée de la nation, lorsque le roi se décida enfin à céder. Tandis qu’en 1775, un régime mixte d’autocratie et de représentation nationale eût satisfait la bourgeoisie, douze ou treize ans plus tard, en 1787 et 1788, le roi se trouva en présence d’une opinion publique qui ne voulait plus entendre parler de compromis et exigeait le gouvernement représentatif, avec toute la limitation du pouvoir royal qui s’ensuivait.

Nous avons vu comment Louis XVI repoussa les propositions très modestes de Turgot. L’idée même de