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que les paysans firent quelquefois des groupements, des syndicats pour acheter, mais la législation voyait ces syndicats d’un mauvais œil, et une masse immense de biens passait aux spéculateurs. Les petits agriculteurs, les journaliers, les artisans dans les villages, les indigents se plaignaient. Mais la Législative ne prêtait pas attention à leurs plaintes[1].

Plusieurs cahiers avaient bien demandé que les terres de la Couronne et celles de mainmorte, autour de Paris, fussent partagées et louées par lots de quatre à cinq arpents. Les Artésiens demandaient même que les dimensions des fermes fussent réduites à « trois cents mesures de terre » (Sagnac, p. 80). Mais, comme l’a déjà dit Avenel, « ni dans les discours prononcés à ce sujet [à l’Assemblée], ni dans les décrets votés, nous ne trouvons une seule parole en faveur de ceux qui n’ont pas de terre… Personne dans l’Assemblée ne propose l’organisation d’un crédit populaire pour que ces affamés pussent acquérir quelques parcelles… On n’attacha même aucune attention au vœu de quelques journaux, comme le Moniteur, qui proposaient que la moitié des terres à vendre fût partagée en lots de 5.000 francs, pour créer une certaine quantité de petits propriétaires[2]. » Les acquéreurs de lots furent pour la plupart ceux des paysans qui avaient déjà des propriétés, ou bien des bourgeois venus de la ville, — ce qui fut très mal vu en Bretagne et en Vendée.

Mais voilà que le peuple se soulève au 10 août. Alors, sous

  1. Ph. Sagnac, La Législation civile de la Révolution française, p. 177
  2. Avenel, Lundis révolutionnaires, pp. 30-20 ; Karéïev, p. 519.