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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/597

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et l’on s’amusait en faisant subir toute sorte de souffrances à la tête[1].

D’autre part, lorsque toute cette masse d’hommes rejetés sur la Loire fut refluée sur Nantes, les prisons de cette ville commencèrent à se remplir d’une façon menaçante. Dans ces bouges grouillants d’êtres humains, le typhus et toutes sortes de maladies contagieuses faisaient ravage ; elles se propageaient déjà dans la ville, épuisée par le siège. Comme à Paris, après le 10 août, les royalistes emprisonnés menaçaient d’égorger tous les républicains, dès que « l’armée royale » des Vendéens se rapprocherait de Nantes. Et les patriotes n’étaient que quelques centaines dans cette cité qui s’était enrichie par la traite des noirs et le travail des nègres à Saint Domingue, et qui s’appauvrissait, maintenant que l’esclavage était aboli. La fatigue des patriotes, pour empêcher la prise de Nantes par un coup de main de « l’armée royale » et l’égorgement des républicains, était telle que les hommes des patrouilles patriotes n’en pouvaient plus.

  1. Voyez Michelet qui a étudié la guerre de la Vendée d’après les documents locaux, sur les lieux. « On a souvent discuté, dit-il, de la triste question de savoir, qui avait eu l’initiative de ces barbaries, et lequel des deux partis alla plus loin, dans le crime ; on parle insatiablement des noyades de Carrier ; mais pourquoi parle-t-on moins mes massacres de Carette ?… D’anciens officiers vendéens, rudes et féroces, avouaient naguère à leur médecin, qui nous l’a redit, que jamais ils ne prirent un soldat (surtout de l’armée de Mayence) sans le faire périr, et dans les tortures, quand on en avait le temps.

    « Quand les Nantais arrivèrent, en avril 93, à Challans, ils virent cloué à une porte je ne sais quoi qui ressemblait à une grande chauve-souris ; c’était un soldat républicain qui, depuis plusieurs heures, restait piqué là, dans une effroyable agonie, et qui ne pouvait mourir » (livre XI, ch. V.)