Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/717

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pour la guerre, malgré la malveillance de Robespierre et de Saint-Just à son égard. Quant au Comité de sûreté générale, il tenait trop à ses pouvoirs policiers pour ne pas s’opposer à une dictature, et quelques-uns de ses membres haïssaient Robespierre. Enfin, s’il y avait à la Convention un certain nombre de représentants qui ne voyaient pas d’un mauvais œil l’influence prépondérante de Robespierre, ils ne se seraient cependant pas soumis à la dictature d’un Montagnard aussi sévère que lui dans ses principes.

Et cependant la puissance de Robespierre, en réalité, était immense. Plus que cela. Presque tous sentaient, et ses ennemis le reconnaissaient, tout comme ses admirateurs, que la disparition du groupe Robespierriste serait — ce qu’elle fut en effet — le triomphe certain de la réaction.

Comment donc s’expliquer la puissance de ce groupe ?

C’est que Robespierre resta incorruptible au milieu de tant d’autres qui se laissèrent séduire par les attraits du pouvoir ou de la richesse, — chose extrêmement importante pendant une révolution. Alors que le grand nombre autour de lui s’accommodait à merveille de la curée des biens nationaux, de l’agiotage, etc., et que les milliers de Jacobins s’empressaient de s’emparer des places dans le gouvernement, lui, restait devant eux comme un juge sévère, les rappelant aux principes, et menaçant de la guillotine ceux d’entre eux qui avaient été les plus âpres à la curée. Mieux que cela. Dans tout ce qu’il avait dit et fait pendant les cinq années de la tourmente révolutionnaire, on sent, jusqu’à présent, — et ses contemporains devaient le sentir d’autant plus, — qu’il était un des très rares hommes politiques d’alors