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et les riches — conflit qui produisit une profonde impression. C’était une première vision du peuple rendu furieux, vision qui exerça une profonde influence sur les élections, en en éloignant les réactionnaires.

Inutile de dire que les messieurs de la bourgeoisie cherchèrent à représenter cette émeute comme un coup monté par les ennemis de la France. Comment le bon peuple de Paris aurait-il pu se révolter contre un fabricant ? « C’est l’argent anglais qui les a poussés à la révolte », disaient les uns, — « l’argent des princes », disaient les bourgeois révolutionnaires, et personne ne voulait admettre que le peuple se révoltât simplement parce qu’il souffrait et qu’il en avait assez de l’arrogance des riches, qui l’insultaient jusque dans ses souffrances ![1] On voit ainsi se constituer dès lors la légende qui cherchera plus tard à réduire la Révolution à son œuvre parlementaire et à représenter tous les soulèvements du peuple pendant les quatre années de la Révolution comme des accidents : comme l’œuvre de brigands ou d’agents, payés soit par Pitt, soit par la réaction. Plus tard, les historiens reprendront la légende : « Puisque cette émeute pouvait être prise par la Cour comme prétexte pour renvoyer l’ouverture des États-Généraux, donc, elle ne pouvait venir que de la réaction. » Que de fois n’a-t-on pas refait le même raisonnement de nos jours !

Eh bien, les journées des 24-28 avril sont les signes avant-coureurs des 11, 12, 13 et 14 juillet. Le peuple de

  1. Droz (Histoire du règne de Louis XVI), historien réactionnaire a déjà fait cette remarque très juste, que l’argent trouvé sur quelques hommes tués pouvait bien provenir du pillage.