mine son développement ultérieur chez les peuples de plus en plus policés. Mais, tandis que le noyau de coutumes sociales inscrites dans la Loi ne subit qu’une modification très faible et très lente dans le cours des siècles, c’est l’autre partie des lois qui se développe, tout à l’avantage des classes dominantes, tout au détriment des classes opprimées. À peine, si, de temps en temps les classes dominantes se laissent arracher une loi quelconque qui représente, ou semble représenter, une certaine garantie pour les déshérités. Mais alors cette loi ne fait qu’abroger une loi antérieure, faite à l’avantage des classes dominatrices. — « Les meilleures lois », disait Buckle, « furent celles qui abrogèrent des lois précédentes. » — Mais, quels efforts terribles n’a-t-il pas fallu dépenser, quels flots de sang n’a-t-il pas fallu verser chaque fois qu’il s’agissait d’abroger une de ces institutions qui servent à tenir le peuple dans les fers ! Pour abolir les derniers vestiges du servage et les droits féodaux et pour briser la puissance de la camarilla royale, il a fallu que la France passât par quatre ans de révolution et par vingt ans de guerres. Pour abroger la moindre des lois iniques qui nous sont léguées par le passé, il faut des dizaines d’années de lutte et pour la plupart elles ne disparaissent que dans les périodes de révolution.
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