Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de cette immense région du monde. Mon intention était de donner une description géographique complète du pays, description basée sur les principaux traits de la structure orographique, que je commençais à démêler pour la Russie d’Europe, et d’esquisser les différentes formes de vie économique qui devraient prévaloir dans les différentes régions physiques. Prenez, par exemple, les vastes prairies de la Russie méridionale, si souvent éprouvées par la sécheresse et les mauvaises récoltes. Ces sécheresses et ces mauvaises récoltes ne devraient pas être traitées comme des calamités naturelles — elles sont un caractère naturel de cette région, au même titre que sa situation sur le versant méridional du plateau central de la Russie, son sol, sa fertilité, etc. Et toute la vie économique des steppes méridionales devrait être organisée en prévision de l’inévitable retour périodique des sécheresses. Toutes les régions de l’Empire russe devraient être étudiées de la même façon, en suivant la méthode scientifique que Karl Ritter avait suivie dans ses belles monographies de différentes parties de l’Asie.

Mais une telle œuvre aurait réclamé beaucoup de temps, et il aurait fallu que l’auteur fût entièrement libre. Souvent, je m’étais dit que je pourrais rendre ce service à la science, si je venais à occuper un jour la position de secrétaire de la Société de Géographie. Or, dans l’automne de 1871, comme je travaillais en Finlande, avançant lentement à pied, dans la direction de la côte, le long de la nouvelle voie ferrée, et cherchant attentivement où apparaîtraient les premières traces indubitables de l’ancienne mer post-glaciale, je reçus un télégramme de la Société de Géographie : « Le Conseil vous prie d’accepter la charge de secrétaire de la Société. » En même temps, le secrétaire sortant me priait instamment d’accepter la proposition.

Mes rêves étaient réalisés. Mais, depuis quelque temps, d’autres pensées et d’autres désirs s’étaient emparés de mon esprit. Je réfléchis sérieusement à la réponse à