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Chapitre IV


PREMIER VOYAGE À L’ÉTRANGER. — SÉJOUR À ZURICH. — L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS. — SON ORIGINE. — SON ACTIVITÉ. — SA DIFFUSION. — ÉTUDES DU MOUVEMENT SOCIALISTE PAR LA LECTURE DES JOURNAUX SOCIALISTES. — LES SECTIONS GENEVOISES DE L’INTERNATIONALE.


L’année suivante, au commencement du printemps, je fis mon premier voyage dans l’ouest de l’Europe. En franchissant la frontière russe, j’éprouvai, avec plus d’intensité que je ne m’y attendais, ce que tout Russe ressent quand il quitte la mère patrie. Tant que le train roule sur le territoire russe, à travers les provinces faiblement peuplées du nord-ouest, on a la sensation qu’on traverse un désert. Le pays est couvert sur une étendue de plusieurs centaines de lieues d’une végétation rabougrie qui mérite à peine le nom de forêt. Çà et là l’œil découvre un misérable petit village, enseveli sous la neige ou une route impraticable, boueuse, étroite et tortueuse. Mais tout, — décors et paysage — change soudainement dès que le train entre en Prusse, avec ses villages proprets, ses fermes, ses jardins et ses chemins pavés ; et le sentiment de ce contraste grandit de plus en plus à mesure qu’on pénètre en Allemagne. Berlin même,