Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/419

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règne de la Terreur Blanche. On sait très bien que la restauration de la monarchie des Bourbons en France fut sur le point de devenir un fait accompli. Le maréchal Mac-Mahon ne fut maintenu comme Président de la République que pour préparer une restauration monarchique. Le jour même de l’entrée solennelle de Henri V à Paris était fixé et les carapaçons des chevaux, ornées de la couronne et du chiffre du prétendant, étaient déjà prêts. On sait aussi que ce projet de restauration ne fut empêché que parce que Gambetta et Clemenceau — l’opportuniste et le radical — avaient couvert une grande partie de la France de comités armés et prêts à se soulever contre toute tentative de coup d’État. Mais la véritable force de ces comités résidait dans les ouvriers, dont un grand nombre avaient appartenu autrefois à l’Internationale et qui en avaient conservé le vieil esprit. Je puis dire, d’après ce que j’en sais personnellement, que dans ces comités, les chefs du parti radical appartenant à la classe moyenne auraient peut-être hésité au moment psychologique, tandis que les ouvriers auraient saisi la première occasion favorable pour se soulever, d’abord pour la défense de la République et peut-être ensuite pour le triomphe de la cause socialiste.

Il en était de même en Espagne. Dès que l’entourage clérical et aristocratique du roi le poussait à accentuer sa politique de réaction, les républicains les menaçaient d’une insurrection, dans laquelle, ils ne l’ignoraient pas, les ouvriers représentaient le principal élément de lutte. Dans la seule province de Catalogne il y avait plus de cent mille ouvriers solidement organisés en syndicats, et plus de quatre-vingt mille Espagnols faisaient partie de l’Internationale, tenant régulièrement des congrès, et payant régulièrement leur cotisation à l’Association avec un sentiment du devoir vraiment espagnol. Je puis parler de ces organisations en connaissance de cause, acquise sur les lieux mêmes, et je sais qu’elles étaient prêtes à proclamer les États-Unis d’Espagne, à renoncer au gouvernement des colonies et à faire dans les régions