Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/428

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sur un haut plateau entièrement dépourvu de végétation et exposé aux vents glacés en hiver, où la neige est aussi épaisse qu’à Moscou et où elle fond et tombe de nouveau aussi souvent qu’à Pétersbourg. Mais il était important pour nous de répandre nos idées dans ce milieu et de donner plus d’activité à la propagande locale. Pindy, Spichiger, Albarracin et deux blanquistes, Ferré et Jeallot, y étaient, et de temps en temps je pouvais visiter Guillaume à Neuchâtel et Schwitzguébel dans le vallon de Saint-Imier.

Une vie pleine d’activité, comme je l’aimais, commença alors pour moi. Nous tenions de nombreuses réunions, distribuant nous-mêmes nos annonces dans les cafés et les atÉliers. Une fois par semaine nous avions nos réunions de section, où avaient lieu les discussions les plus animées, et nous allions aussi prêcher l’anarchisme aux assemblées convoquées par les partis politiques. Je voyageai beaucoup, visitant et soutenant d’autres sections.

Pendant cet hiver nous gagnâmes les sympathies d’un grand nombre de personnes, mais nous fûmes considérablement retardés dans notre travail régulier par une crise survenue dans l’horlogerie. La moitié des ouvriers étaient sans travail ou seulement occupés une partie du temps, de sorte que la municipalité dut ouvrir un restaurant communal pour procurer à peu de frais une nourriture vendue à prix coûtant. L’atÉlier coopératif établi par les anarchistes à La Chaux-de-Fond, dans lequel les gains étaient divisés également entre tous les membres, avait une grande difficulté à trouver du travail, en dépit de sa haute réputation, et Spichiger dut à plusieurs reprises se mettre à peigner de la laine pour un tapissier pour gagner sa vie.

Nous prîmes tous part, cette année-là, à une manifestation pour porter le drapeau rouge dans les rues de Berne. Le mouvement de réaction se répandait en Suisse, et la police de Berne, violant la constitution, avait interdit le port de la bannière des ouvriers. Il était donc