Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/463

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de résister. Un Anglais, un Français ne toléreraient pas de pareils outrages. Comment pouvons-nous les endurer ? Résistons, les armes à la main, aux visites domiciliaires faites la nuit par les gendarmes. Montrons-leur que nous sommes résolus à nous défendre jusqu’à la mort, puisqu’une arrestation aboutit à une mort lente et obscure entre leurs mains. »

A Odessa, Kovalsky et ses amis reçurent à coups de revolver les gendarmes qui venaient les arrêter pendant la nuit.

Alexandre II répondit à cette nouvelle phase du mouvement, proclamant l’état de siège. La Russie fut divisée en un certain nombre de districts, et chacun d’eux fut placé sous le commandement d’un gouverneur général, qui reçut l’ordre de faire pendre impitoyablement les révolutionnaires. Kovalsky et ses amis — qui, soit dit en passant, n’avaient tué personne avec leurs revolvers, — furent exécutés. La pendaison devint à l’ordre du jour. Trente-trois personnes furent pendues en deux ans, y compris un jeune homme de dix-neuf ans, qui avait été pris en train d’afficher une proclamation révolutionnaire dans une gare ; c’était la seule charge qu’il y eût contre lui. Ce n’était qu’un enfant, mais il mourut en homme.

Alors le mot d’ordre des révolutionnaires devint « défense personnelle » : défense personnelle contre les espions qui s’introduisaient dans les cercles sous le masque de l’amitié et en dénonçaient les membres à droite et à gauche, simplement parce qu’ils n’étaient pas payés quand ils ne dénonçaient pas un nombre de personnes suffisant ; défense personnelle contre ceux qui maltraitaient les prisonniers et contre les chefs omnipotents de la police.

Trois fonctionnaires de marque et deux ou trois espions subalternes furent frappés pendant cette nouvelle phase de la lutte. Le général Mézentsov, qui avait poussé le tsar à doubler les condamnations après le procès des cent quatre-vingt-treize, fut tué en plein jour à Pétersbourg ; un colonel de gendarmerie, coupable de quelque