Aller au contenu

Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/539

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hommes d’initiative les plus réfléchis, et que je les compare à celles qui dominent aujourd’hui chez un grand nombre d’ouvriers, je dois avouer qu’elles me semblent représenter deux mondes absolument différents.

Il n’y a pas de période dans l’histoire, à l’exception peut-être de la période révolutionnaire du douzième et du treizième siècle, qui aboutit à la formation des communes du moyen âge, pendant laquelle les idées sociales existantes aient subi une transformation aussi profonde. Et maintenant, dans ma cinquante-septième année, je suis plus profondément convaincu que je ne l’étais il y a vingt-cinq ans, qu’un heureux concours de circonstances fortuites peut déterminer en Europe une révolution beaucoup plus importante et tout aussi étendue que celle de 1848 ; non pas dans le sens d’une simple guerre entre différents partis politiques, mais d’une transformation rapide et profonde de l’édifice social. Et je suis convaincu que quel que soit le caractère que revêtira un pareil mouvement dans différents pays, il se manifestera partout une intelligence beaucoup plus profonde des changements sociaux, devenus nécessaires, que n’en ont jamais montré les six derniers siècles écoulés. D’autre part la résistance que ce mouvement rencontrera de la part des classes privilégiées n’aura probablement pas le caractère d’obstination aveugle, qui a rendu si violentes les révolutions du passé.

Cet immense résultat était bien digne des efforts faits dans ces trente dernières années par tant de milliers d’hommes et de femmes de tous les pays et de toutes les classes de la société.


FIN