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Chapitre IV


MON ÉDUCATION (suite). — TABLEAUX DU SERVAGE. — UNE TRISTE DESTINÉE. — INSTRUCTION DONNÉE À DES SERFS BIEN DOUÉS. — UNE HISTOIRE DE REVENANT.


Dans l’automne de 1852, mon frère Alexandre fut envoyé au corps des cadets, et à partir de ce moment nous ne nous vîmes plus que pendant les vacances et parfois le dimanche. Le corps des cadets était à huit kilomètres de chez nous, et bien que nous eussions une douzaine de chevaux, il arrivait toujours qu’il n’y en avait pas un de libre lorsqu’un traîneau devait être envoyé au corps. Mon frère aîné, Nicolas, venait très rarement à la maison. La liberté relative dont Alexandre jouissait à l’école et surtout l’influence de deux de ses professeurs de littérature développèrent rapidement son intelligence, et j’aurai plus loin amplement l’occasion de parler de la bienfaisante influence qu’il exerça sur mon développement. C’est un grand avantage d’avoir eu un frère aîné aussi affectueux et intelligent.

Entre-temps je restais à la maison. Je devais attendre que mon tour fût venu d’entrer dans le corps des pages et j’avais près de quinze ans quand il arriva. M. Poulain fut remercié et on engagea un précepteur allemand à sa place. C’était un de ces esprits idéalistes, tels qu’on en