Page:Krudener - Valerie.djvu/119

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vit, et qui troublent par là journellement la société.

Nous parlions de cela hier encore, Valérie et moi, et je lui faisois remarquer dans ces réunions brillantes, au milieu de cette foule de gens de tous les pays qui viennent ici pour s’amuser, je lui faisois remarquer cette teinte monotone de froideur et d’ennui répandue sur tous les visages. « Les petites passions, lui disois-je, commencent par effacer ces traits primitifs de candeur et de bonté que nous aimons à voir dans les enfans ; la vanité soumet tout à une convenance générale ; il faut que tout prenne ses couleurs ; la crainte du ridicule ôte à la voix ses plus aimables inflexions, inspecte jusqu’au regard, préside au langage et soumet toutes les impressions de l’âme à son despotisme. Ô Valérie ! lui disois-je, si vous êtes si aimable, c’est que vous avez été élevée loin de ce monde qui dénature tout ; si vous êtes heureuse, c’est que vous avez cherché le bonheur là où le Ciel a permis qu’il puisse être trouvé. C’est en vain qu’on le cherche ailleurs que dans la piété, dans la touchante bonté, dans les affections vives et pures, enfin dans tout ce que le grand monde appelle exaltation ou folie, et qui vous offre sans cesse les plus heureuses émotions. »

Ernest, je sentois que si je l’aimois ainsi, c’étoit parce qu’elle étoit restée près de la nature ; j’entendois sa voix qui ne déguise jamais rien ; je voyois ses yeux qui s’attendrissent sur le malheur